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Les Catilinaires – pastiches de l’exorde

PASTICHE : Oeuvre artistique ou littéraire dans laquelle l’auteur imite en partie ou totalement l’oeuvre d’un maître ou d’un artiste en renom par exercice, par jeu ou dans une intention parodique.

 

LE CONTEXTE HISTORIQUE63 av. J.-C. : on vient de dévoiler à Cicéron, alors consul, la conjuration de Catilina qui vise à renverser la République. Cicéron met Rome en état de défense contre cette tentative de prise de pouvoir et il prononce contre Catilina, en présence de ce dernier et devant tous les sénateurs, un discours véhément : la Première Catilinaire. On appelle Catilinaires les quatre discours que Cicéron prononce entre le 8 novembre et le 5 décembre 63 av. J.-C. 

Cesare Maccari (1888) Wikipedia Commons

Voici l’exorde de la Première Catilinaire et ses pastiches.

 

EXORDE DE LA PREMIÈRE CATILINAIRE

Jusques à quand abuseras-tu de notre patience, Catilina ? Combien de temps encore serons-nous ainsi le jouet de ta fureur ? Où s’arrêteront les emportements de cette audace effrénée ? Ni la garde qui veille la nuit sur le mont Palatin, ni les postes répandus dans la ville, ni l’effroi du peuple, ni le concours de tous les bons citoyens, ni le choix, pour la réunion du sénat, de ce lieu le plus sûr de tous, ni les regards ni le visage de ceux qui t’entourent, rien ne te déconcerte ?

Tu ne sens pas que tes projets sont dévoilés ? Tu ne vois pas que ta conjuration reste impuissante, dès que nous en avons tous le secret ? Penses-tu qu’un seul de nous ignore ce que tu as fait la nuit dernière et la nuit précédente, où tu es allé, quels hommes tu as réunis, quelles résolutions tu as prises ?

Ô temps ! Ô mœurs ! Le sénat connaît tous ces complots, le consul les voit ; et Catilina vit encore. Il vit ? que dis-je ? il vient au sénat ; il prend part aux conseils de la république ; son œil choisit et désigne tous ceux d’entre nous qu’il veut immoler. Et nous, hommes pleins de courage, nous croyons assez faire pour la république, si nous échappons à sa fureur et à ses poignards.

http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/cicero_CatilinaI/lecture/1.htm

 

PASTICHE 1

Jusques à quand useras-tu de notre temps, téléphone ? Combien d’heures encore subirons-nous le joug de tes notifications ? Jusqu’où nous emporteras-tu, connexion illimitée ? *bruit de notification* Quoi ! Ni les pères qui veillent la nuit sur le seuil de ta chambre, ni les surveillants postés dans tout le lycée, ni la consternation de tes amis, ni ce concours de tous les bons chefs d’établissement, ni les murs choisis pour cette classe, ni les regards indignés de tous les professeurs, rien n’a pu te débrancher !

Tu ne vois pas que ton mot de passe est découvert ? Que ton utilisation est ici cernée de témoins, surveillée de toutes parts. Penses-tu qu’aucun de nous ignore ce que tu as fait la nuit dernière et celle qui l’a précédée ; sur quels sites tu t’es rendu, quels pseudos tu as multipliés ; quelles photos haute résolution tu as prises ?

Ô Jeunesse ! Ô mœurs ! Tous ces jeux, l’équipe pédagogique les connaît, le proviseur les voit, et le téléphone charge encore ! Il charge, que dis-je ? Il sonne dans la classe, il est accepté lors du conseil de classe ; il choisit parmi nous et capture de son objectif ceux qu’il veut sauvegarder. Et nous, hommes pleins de courage, nous croyons faire assez pour la culture, si nous refusons de liker et de commenter les publications !

 

PASTICHE 2

Jusques à quand abuserez-vous de notre patience, professeurs de français ? Combien de temps encore serons-nous les sujets de votre invention ? Jusqu’où nous emportera votre insanité ? Quoi ! Ni l’Académie Française, qui a pour devoir de valoriser la littérature, ni le ministre de l’Éducation Nationale, ni les responsables du ministère ne réagissent ! Aucune réforme n’a pu t’ébranler!

Tu ne vois pas que tu es inutile ? Que ta présence détestée enchaîne les élèves de toutes parts? Penses-tu qu’aucun de nous ignore ce que tu as fait la nuit dernière et celle qui l’a précédée, dans quelle chambre t’es-tu acharné sur nous, quels autres devoirs tu as sacrifiés à notre détriment, quels plans tu as cachés ?

Ô commentaire ! Ô dissertation ! Tous ces complots, le ministère les connaît, les professeurs les voient mais il existe encore ! Il existe, que dis-je ? Il vient en cours de français, il est admis au bac, il est choisi à cause de son apparence faussement simple et il marque ceux qui l’ont choisi d’une encre indélébile ! Et nous, élèves pleins de rage, nous croyons faire assez pour nos études si nous évitons ces mauvaises notes !

 

PASTICHE 3

Jusques à quand, Météo indécise, déjoueras-tu nos projets ? Combien de temps encore serons-nous le jouet de ton impertinence ? Jusqu’où ton humeur changeante s’emportera-t-elle ? Quoi ! Ni notre envie de plage, ni notre précieux bronzage, ni la blanche neige des sommets, ni les voiles calmes, ni les récoltes asséchées, rien n’a pu t’ébranler !

Tu ne vois pas que tes projets pervers sont découverts ? À ton tour d’attraper froid ! Tous ici nous subissons ta passion malsaine. Penses-tu qu’aucun de nous ignore que ta fureur causa la tempête Haiyan ; dans quels pays tu t’es rendu ; avec quelles forces tu t’es alliée ; quels désastres tu as causés ?

Ô temps ! Ô Météo ! Toutes ces machinations diaboliques, la planète en fait les frais, le Hong Kong Observatory les voit et pourtant tu sévis sans retenues ! Il pleut ? Que dis-je ! Le déluge s’invite sur nos terres, en ces lieux paisibles et nous marque par son passage. Coup de soleil ! Atchoum ! Et nous, hommes pleins de courage, nous croyons faire assez pour la nature en prévenant ta canicule et tes froids extrêmes !


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